L’été invincible                                                       p.05

 
 

Vingt-deux ans plus tard, j'évoque mon court voyage à Alger. L'étranger que j'étais devenu là-bas a revu Tipasa en 1977. Un Russe rempli de bonnes intentions m'avait proposé de "m'expliquer" Tipasa. J'avais remercié.

J'avais répondu que j’étais d’ici.


Au cours de ce voyage, nous avions passé une partie de la journée entre Européens. Nous n’étions point allés sur la plage de Matarès mais au bord d’une crique. Nous parlions anglais ou français pour les quelques paroles échangées. Pas un Arabe, pas une mauresque parmi nous. Ils étaient tous entre eux mais ailleurs. Instinctivement l'Europe se reconnaissait et se regroupait. Les Maghrébins, de manière peut-être involontaire, pratiquaient la séparation. Que disait Albert Camus dans L’été à Alger, un essai écrit en 1936, en parlant des Français d’Algérie? Voyons :

«Ce peuple sans religion et sans idoles meurt seul après avoir vécu en foule.»



Même à Tipasa, nous allions "en foule" dans les années cinquante. Mes notes et mes souvenirs : La mer ! La mer au bas de la falaise qui gémissait doucement. Marcellin Arnaud a cité Paul Valéry en étendant son bras droit : « La mer, la mer toujours recommencée...

O récompense après une pensée... »

-C'est beau l'instruction, dit Jean-Claude, en riant.

-Non, c'est beau la culture, renchérit François Cloite.

J'ai dit à voix haute :" Heureux celui des vivants sur la terre qui a vu ces choses. "


Famille Pinari, six, fils … J’ai moi aussi perdu mon latin. Mais ce n’est sûrement pas du latin qui est inscrit, du vrai.    

En levant son regard vers nous, Jean-Pierre Salomon s'est exclamé que nous avions des lettres et qu'il manquait Mauclair (un autre copain habitué de Tipasa et de Matarès) pour  faire un trio littéraire.  Et il ajouta :

« Ils pourraient même nous écrire des poèmes pour faire concurrence à Albert Camus. » Jean-Pierre ne savait pas que, philosophe de l'absurde, Camus et je cite Jean Sénac, se  défendait d'être poète. Il  disait : « J'ai souvent l'impression (humiliante) de ne rien comprendre à la poésie.»




C’est dans cette crique que séjourna longtemps une tortue de mer.







Même à Tipasa, nous allions "en foule" dans les années cinquante.
















Famille Pinari, six fils...

 


Un Russe rempli de bonnes intentions m'avait proposé de "m'expliquer" Tipasa.

 

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