L’été invincible                                                      p.13

 
 

Albert Camus. L'exil et le royaume.

« Dans les épaisseurs de la nuit sèche et froide, des milliers d'étoiles se formaient sans trêve et leurs glaçons étincelants, aussitôt détachés, commençaient de glisser insensiblement vers l'horizon. Janine ne pouvait s'arracher à la contemplation de ces feux à la dérive. Elle tournait avec eux, et le même cheminement immobile la réunissait peu à peu à son être le plus profond, où le froid et le désir maintenant se combattaient. Devant elle, les étoiles tombaient, une à une, puis s'éteignaient parmi les pierres du désert, et à chaque fois Janine s'ouvrait un peu plus à la nuit. »

Camus encore dans L’été : « Je m'obstinais pourtant, sans trop savoir ce que j'attendais, sinon, peut-être le moment de retourner à Tipasa. Certes, c'est une grande folie, et presque toujours châtiée, de revenir sur les lieux de sa jeunesse et de vouloir revivre à quarante ans ce qu'on a aimé ou dont on a fortement joui à vingt. Mais j'étais averti de cette folie. »


Albert Camus. La mort heureuse.

Sur la route de Tipasa :

« Au petit matin, la voiture de Mersault roulait sur la route du littoral avec ses phares en veilleuse. En sortant d'Alger, il avait rattrapé et doublé les voitures de laitier, et l'odeur des chevaux, faite de sueur chaude et d'écurie, lui avait rendu plus sensible la fraîcheur du matin. Il faisait encore noir. Une dernière étoile fondait lentement au ciel, et sur la route luisante dans l'obscurité, il percevait seulement le bruit de bête heureuse du moteur et quelquefois un peu plus loin, le trop d'un cheval et le vacarme cahotant d'une voiture pleine de bidons, jusqu’à ce que lui devienne perceptible, sur le fond noir de la route, le quadruple éclat des fers luisants aux pieds du cheval. Puis tout s'évanouissait dans le bruit de la vitesse. Il allait plus vite maintenant et la nuit virait rapidement au jour.déserts tout à l'heure, se réveillaient pleins d'oiseaux et d'insectes au vol rouge. »

Regarder les photos et lire encore Camus :

"Il semble que les Oranais soient comme cet ami de Flaubert qui, au moment de mourir, jetant un dernier regard sur cette terre irremplaçable, s'écriait : "Fermez la fenêtre, c'est trop beau."


Et le relire:

Carnets 1939-1942. Pas de date. Entre septembre et novembre 1941.

La mort de Le Poitevin, l'ami de Flaubert.

"Fermez la fenêtre ! C'est trop beau."





En promenade dans les ruines.





En sortant d'Alger, il avait rattrapé et doublé les voitures de laitier...




Fermez la fenêtre ! C'est trop beau.

 

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