La fin p.02
La fin p.02
Voici du beau et grand Camus. Quatre lignes de ses carnets 1939-1942 que ma mère lisait en pleurant :
" 18 mars 41.
Les hauteurs au-dessus d'Alger débordent de fleurs au printemps. L'odeur de miel des roses jaunes coule dans les petites rues. D'énormes cyprès noirs laissent gicler à leur sommet des éclats de glycine et d'aubépine dont le cheminement reste caché à l'intérieur. Un vent doux, le golfe immense et plat. Du désir fort et simple – et l'absurdité de quitter tout cela."
-Et l'absurdité de quitter tout cela, soupirait encore ma mère en reniflant un peu. Enfin, il nous a quittés sans voir notre drame. Notre drame aurait été le sien. Il avait quand même un cœur. Ah, cet absurde accident !
Camus : La mer au plus près.
« Certaines nuits dont la douceur se prolonge, oui, cela aide à mourir de savoir qu'elles reviendront après nous sur la terre et la mer. Grande mer, toujours labourée, toujours vierge, ma religion avec la nuit ! Elle nous lave et nous rassasie dans ses sillons stériles, elle nous libère et nous tient debout. A chaque vague, une promesse, toujours la même. Que dit la vague ? Si je devais mourir, entouré de montagnes froides, ignoré du monde, renié par les miens, à bout de force enfin, la mer, au dernier moment, emplirait ma cellule, viendrait me soutenir au-dessus de moi-même et m'aider à mourir sans haine. »
Et l'absurdité de quitter tout cela.