La lumière et les ruines de Tipasa p.02
La lumière et les ruines de Tipasa p.02
J'ai revu Tipasa en 1977. Camus nous avait quittés depuis dix-sept ans et il était toujours là, nous semblait-il et il nous regardait.
Camus :
"Au printemps, Tipasa est habité par les dieux et les dieux parlent dans le soleil et l'odeur des absinthes, la mer cuirassée d'argent, le ciel bleu écru, les ruines couvertes de fleurs et la lumière à gros bouillons dans les amas de pierres. A certaines heures, la campagne est noire de soleil."
Ecoutons encore Albert Camus (La mort heureuse, chapitre IV)
"Après un peu moins de deux heures Mersault arriva en vue du Chenoua. (. . .) C'était là qu'il allait vivre. Sans doute la beauté de ces lieux touchait son cœur. C'était pour eux qu'aussi bien il avait acheté cette maison. Mais le délassement qu'il avait espéré trouver là l'effrayait maintenant. Et cette solitude qu'il avait recherchée avec tant de lucidité lui paraissait plus inquiétante maintenant qu'il en connaissait le décor. Le village n'était pas loin, à quelques centaines de mètres. Il sortit. Un petit sentier descendait de la route vers la mer. Au moment de le prendre, il s'aperçut pour la première fois qu'on apercevait de l'autre côté de la mer la petite pointe de Tipasa. Sur l'extrémité de cette pointe, se découpaient les colonnes dorées du temple et tout autour d'elles les ruines usées parmi les absinthes qui formaient à distance un pelage gris et laineux. Les soirs de juin, pensa Mersault, le vent devait porter vers le Chenoua à travers la mer le parfum dont se délivraient les absinthes gorgées de soleil.