La lumière et les ruines de Tipasa p.03
La lumière et les ruines de Tipasa p.03
Cette photo a été prise le 26 juillet 1958. Cette maison de Tipasa était la maison de mes rêves et j'avais fait le projet de l'acheter pour ma retraite, une retraite que je "mangerai", pensais-je, dans quarante ans et Algérie serait une province heureuse et pacifiée. Je n'avais pas encore lu La mort heureuse, un livre qui parut treize ans plus tard.
Camus :
"Il lui fallait installer sa maison et l'organiser. Les premiers jours passèrent rapidement. Il peignit les murs à la chaux, acheta des tentures à Alger, recommença l'installation électrique. Et dans ce labeur coupé dans la journée par les repas qu'il prenait à l'hôtel du village et par les bains de mer, il oubliait pourquoi il était venu ici et se dispersait dans la fatigue de son corps, les reins creusés et les jambes raides, soucieux du manque de peinture ou de l'installation défectueuse d'un va-et-vient dans le couloir. (...) ; les filles qui se promenaient le soir sur la route qui dominait la mer (elles se tenaient par le bras et leurs voix chantaient un peu sur les dernières syllabes des mots); Pérez, le pêcheur, qui fournissait l'hôtel en poissons et n'avait qu'un bras. Ce fut là aussi qu'il rencontra le docteur du village, Bernard. Mais le jour où dans la maison tout fut installé, Mersault y transporta ses affaires et revint un peu à lui. C'était le soir. Il était dans la pièce du premier, et derrière la fenêtre deux mondes se disputaient l'espace entre les deux pins. Dans l'un, presque transparent, les étoiles se multipliaient. Dans l'autre, plus dense et plus noir, une secrète palpitation d'eau annonçait la mer.
Cette maison de Tipasa était la maison de mes rêves.