ACCUEILLA LUMIEREL'ETESAINTE SALSALE TOMBEAULE PORTLE PARCLE NOBELLA FINAPRES CAMUS

L'été invincible

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Le dimanche, lorsque nous allions pique-niquer près de Tipasa, nous nous transformions en de vrais Manouches. Détente pour nos parents après une semaine de travail. Le petit bois sentait la résine. Les oiseaux chantaient. Douce mélodie des chardonnerets. Cris lancinants des verdiers. « Cliché ! » aurait dit le professeur. Je me souviens de longues promenades et longues conversations avec Mauclair (prénom oublié) un étudiant en médecine (ami de la famille Albéro et du fils Jean-Claude) qui s'était dirigé (ou avait été dirigé) vers "dentaire" et qui désirait me faire connaître et aimer La Condition humaine d'André Malraux. Je savais que ce live avait obtenu le Prix Goncourt en 1933 et qu'il évoquait l'Extrême-Orient. Hélas, dans cette Condition, je me suis toujours ennuyé (je disais : barbé dans ma jeunesse). Je n'ai jamais pu pénétrer dans ces pages confuses. Me direz-vous que je suis passé à côté d'un grand chef-d'œuvre ?
Et puis, parfois, avec Mauclair qui aimait rire, nous laissions André Malraux et Albert Camus de côté et nous allions voir les filles sur la plage. Nous critiquions avec dérision les petits seins, les gros culs, les énormes dames qui étalaient leur « viande » sans complexe mais sans jamais penser à nous regarder nous-mêmes. C'est un privilège des hommes qui n'ont pas lu Benoîte Groult et son merveilleux "Ainsi soit-elle". J'aime vraiment Benoîte Groult mais par ses critiques acerbes elle ne refera pas l’impitoyable monde masculin.

Ai-je connu à Tipasa ce restaurant un peu gargote, ce café ? Je n’en ai plus le souvenir.
Camus :  "On mange mal dans ce café, mais il y a beaucoup de fruits, surtout des pêches qu'on mange en y mordant, de sorte que le jus en coule sur le menton. Les dents refermées sur la pêche, j'écoute les grands coups de mon sang monter jusqu'aux oreilles, je regarde de tous mes yeux. Sur la mer, c'est le silence énorme de midi. Tout être beau a l'orgueil naturel de sa beauté et le monde aujourd'hui laisse son orgueil suinter de toutes parts. Devant lui, pourquoi nierais-je la joie de vivre, si je sais ne pas tout renfermer dans la joie de vivre? Il n'y a pas de honte à être heureux. Mais aujourd'hui l'imbécile est roi, et j'appelle imbécile celui qui a peur de jouir.
Mauclair, lorsqu’il apercevait une belle fille fraîche comme Camus les aimait, débitait en riant cette phrase de ce dernier : « J'appelle imbécile celui qui a peur de jouir. »
Nous n’étions point allés sur la plage de Matarès mais au bord d’une crique. C’était ici, me semble-il ? Nous étions entre Européens. Les Arabes se tenaient à part.


Le dimanche, lorsque nous allions pique-niquer près de Tipasa.


Nous étions au bord d'une crique.

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