Sainte Salsa (sur un fond de guerre)
Camus :
La basilique Sainte-Salsa est chrétienne, mais chaque fois qu'on regarde par une ouverture, c'est la mélodie du monde qui parvient jusqu'à nous : coteaux plantés de pins et de cyprès, ou bien la mer qui roule ses chiens blancs à une vingtaine de mètres. La colline qui supporte Sainte-Salsa est plate à son sommet et le vent souffle plus largement à travers les portiques. Sous le soleil du matin, un grand bonheur se balance
dans l'espace.
Encore une fois, sur l'écran de ma mémoire défilent les images d'un week-end passé à la ferme de Marengo. Nous avions déjeuné dans la grande cuisine paysanne et c'est la mauresque de la maison qui nous avait servis. Mes cousins s'adressaient à elle en arabe. Jean-Claude affirma que les fellaghas venaient toutes les nuits sur les hauteurs de la grande propriété et qu'elle était obligée de leur servir un repas. C'était connu, même de l'armée. Elle n'avait pas le choix si elle tenait à la
vie. Elle jouait sur deux tableaux : elle se dévouait pour les Français dans la matinée et nourrissait les hommes de la rébellion dans la nuit.
Nous avions décidé de passer l'après-midi à Tipasa et nous sommes partis dans la 2 CV ainsi que dans la Simca Aronde, en nous serrant un peu. Un jeune lieutenant basé dans la région, passa la journée avec nous. Il ne disait pas les fellaghas mais les fells ou les fellouzes . Il ajouta que lorsque les militaires envoyaient un message, le code était HLL , traduire Hors La Loi .
Nous étions tous chaussés pour marcher confortablement
dans la campagne car la terre n'était pas très sèche. J'eus envie d'aller flâner vers Sainte Salsa et Jocelyne, la sœur de Jean-Claude, trouva que j'avais des goûts morbides. Elle a quand même fini par acquiescer et elle est venue avec nous.
Camus écrivait :
« Les tombeaux de Sainte-Salsa. (Les sarcophages pleins d’eau noire, sous les tamaris détrempés). »
J'ai cheminé devant les autres, le nez au vent et nous avons attendu le que ciel s'assombrît un peu pour rentrer.