Nous hésitâmes un instant pour passer puis marchâmes dessus puisqu'il n'y avait pas de d'autre solution.
J’avais 20 ans sur le port de Tipasa. Mais le temps passe trop vite. Camus nous explique que :" Si le temps coule si vite, c'est qu'on n'y répand pas de points de repères. Ainsi de la lune au zénith et à l'horizon. C'est pourquoi ces années de jeunesse sont si longues parce que si pleines, années de vieillesse si courtes parce que déjà constituées. Remarquer par exemple qu'il est presque impossible
de regarder une aiguille tourner cinq minutes sur un cadran tant la chose est longue et exaspérante."
Ah, cette douleur qui sourd en moi à la vue de cette photo ! Je me dis : "Les hommes ne sont plus là pour ranger ces barques abandonnées? Nous ne sommes plus là. Abandonnées ? Le sont-elles vraiment ?"
Beaucoup d'hommes rêvent de voir Venise. J'ai navigué sur les gondoles noires mais c'est Tipasa qui m'attend. Ni les hommes absents de ce port et ni moi-même ne pourront refaire l'Histoire. Camus n’a pas vu Tipasa se vider
de ses habitants français. Il serait devenu, comme moi, un étranger dans son pays. La vie de Camus va bientôt basculer.
Camus :
"Mais les hommes meurent malgré eux, malgré leurs décors. On leur dit : " Quand tu seras guéri..." et ils meurent. Je ne veux pas de cela. Car il y a des jours où la nature ment, il y a des jours où elle dit vrai."
Camus encore :
"J'ai trop de jeunesse en moi pour pouvoir parler de la mort. Mais il me semble que si je le devais, c'est ici (ici
à Djémila et non à Tipasa) que je trouverais le mot exact qui dirait, entre l'horreur et le silence, la certitude consciente d'une mort sans espoir".