J’imagine qu’à Tipasa, tout comme à Rome, on congédiait les spectateurs en les invitant à applaudir s'ils étaient satisfaits : " Acta es fabula ". La pièce est jouée.
Ces grands écrivains qui pensent toujours pour nous finissent par m'ennuyer. Pourquoi ? Parce qu'ils ne nous laissent pas de place et nous nous rangeons docilement à leurs côtés.
Non, ce n'est pas Albert Camus qui a écrit que les vrais paradis sont les paradis qu'on a perdus. C'est Marcel Proust.
Albert Camus. L'envers et l'endroit. Entre oui et non.
« S'il est vrai que les seuls paradis sont ceux qu'on a perdus, je sais comment nommer ce quelque chose de tendre et d'inhumain qui m'habite aujourd'hui. Un émigrant revient dans sa patrie. Et moi, je me souviens. Ironie, raidissement, tout se tait et me voici rapatrié. Je ne veux pas remâcher du bonheur."
Ces constructions blanches n’existaient pas du temps où flottait le drapeau français à Tipasa. Les habitants m’ont dit que ces hôtels ou lieux de villégiature ont été réalisés par Pouillon. Je n’ai pas vérifié. Les touristes ne se bousculent toujours pas peut-être en raison de l’insécurité.
A la fin août 1977, je recevais une lettre du critique musical d’Alger Gille Tauber qui me disait qu’il avait bien reçu ma carte de Tipasa et ma lettre, toutes les deux pleines de souvenirs, de regrets, de choses qui l’avaient touché « comme s'il y était », et qui lui rappelaient que nous garderons longtemps, peut-être jusqu'à notre fin dernière, une nostalgie que d'aucuns autour de nous trouvent et voudraient nous faire
trouver d'un romantisme suranné, et en tout cas irrationnel ! Il voyait
que la prose chaleureuse de Camus m'accompagnait.
Il lirait, me promettait-il, avec émotion ce que j'écrirai de tout cela. Il me disait une phrase que j’aime rappeler et que je reprends : les paradis perdus sont pour nous, jusqu'à nouvel ordre, terrestres ! C'est là qu'on sait ce qu'on perd... Recommencer, -c'est le désir de recommencer qui est la vraie nostalgie, et la nostalgie, elle, est sans remède.