Gille Tauber était content d'apprendre que notre fille Isabelle-Fleur
ait très bien joué la Première Arabesque de Debussy, qui était une de ses
amours insatisfaites il ne savait pourquoi, et comme tant d'autres...
Je lui avais expliqué la façon dont nous avions
été reçu à Alger et à Tipasa, - « nous » le couple sans les enfants, les
enfants étaient restés chez mes parents - le regret des jeunes Algériens et des
moins jeunes de ne plus nous avoir là-bas avec eux alors qu'il y avait de la
place et du soleil pour tous.
Photo prise en 1977. A Tipasa, nous étions devenus
des étrangers. Les bâtiments blancs avec des arcades n’existaient pas du temps
de l’Algérie française.
Une petite pluie fine tombe sur Paris et sa région. De mon cœur s'élève une
peinture violente composée de lumière et de couleurs : Le Chenoua de Benjamin
Serraillon.
Au mois de novembre 1962, cinq mois après notre
arrivée, nous (nous les rapatriés) nous réunissions dans une brasserie
parisienne pour déguster un couscous et la même petite phrase revenait
sur toutes les lèvres, exprimait une vérité quotidienne : « Ce sera dur pour
nous de nous adapter ».
J’ai peu goûté ces rencontres où tous les genres
étaient mélangés. J’avais rencontré Gille Tauber, le critique musical de La
Dépêche Quotidienne d’Algérie avec qui j’avais parlé non sans emphase du
littoral algérois, de Tipasa et d’Albert Camus. Il avait lu tout Camus et
regrettait de ne l’avoir jamais rencontré. Ma mère qui nous écoutait a glissé
non sans quelque fierté : « C’était notre voisin à Belcourt. » Ou encore : « Je
parlais souvent avec son frère Lucien et Albert venait nous rejoindre. »